Par Dominique Ferraton, artiste multidisciplinaire et membre du collectif Wild City Mapping.
J'y voyais rarement d'autres passants, mis à part quelques personnes qui l'utilisaient comme raccourci ou comme aire d'exercice pour leur chien. Par contre, les traces d'une fréquentation régulière étaient partout, et un sentier formé par l'usure traversait la longueur du terrain.
En face du bâtiment sans intérêt dans lequel je travaillais plusieurs jours par semaine, un petit terrain vague a peu à peu piqué ma curiosité. Un espace vert riche en biodiversité, j'y trouvais un court repos en nature où je pouvais ignorer la circulation automobile de la rue Beaubien.
Je n'étais pas la seule à apprécier cet environnement : une collègue a tenté de transplanter une vigne du terrain et la replanter dans le jardin sur son toit, un tas de briques avait été déconstruit pour épeler des mots dans le gazon, une moufette se promenait le long du mur à la recherche d'escargots jaunes qui apparaissaient par centaines après la pluie.
J'y trouvais aussi une alternative aux parcs du quartier dont la végétation et les zones de repos étaient contrôlées et délimitées. J'étais fascinée par la façon dont un espace vert en milieu urbain se développe et change au fil du temps avec chaque intervention humaine, animale ou végétale. L'exploration du petit lot sur Beaubien a été le point de départ de mon intention de cartographier plusieurs des terrains vagues de Montréal.
J'y trouvais aussi une alternative aux parcs du quartier dont la végétation et les zones de repos étaient contrôlées et délimitées. J'étais fascinée par la façon dont un espace vert en milieu urbain se développe et change au fil du temps avec chaque intervention humaine, animale ou végétale. L'exploration du petit lot sur Beaubien a été le point de départ de mon intention de cartographier plusieurs des terrains vagues de Montréal.
Afin de refléter l'échelle humaine de ces terrains qui sont fréquentés uniquement à pied ou à vélo, chacune des cartes a été dessinée à la main avec des méthodes de cartographie artisanale. Pour en apprendre plus sur ces techniques primitives, je me suis référée à un ouvrage de 1962 intitulé Mapping que j'avais trouvé par hasard plusieurs mois plus tôt. Afin de connaître le nombre de pas par mètre que je parcourais, j'ai suivi leur indication de tracer un trajet de 100 mètres sur terrain plat, d'en marcher la longueur plusieurs fois et de faire la moyenne du nombre de pas comptés. Pour identifier l'emplacement précis d'un objet difficile d'accès, j'ai appris à le situer par méthode de triangulation à l'aide d'une boussole et d'un compas. J'arrivais à chaque terrain avec du papier quadrillé, une règle, une boussole, un compas, un crayon, et des bons souliers de marche. J'y passais plusieurs heures, et la plupart des terrains ont demandé plusieurs visites successives.
Chaque terrain avait sa propre personnalité, et j'y découvrais plusieurs usages secrets. Dans les plus grands, je trouvais des sites de camping éphémères, des feux de camp, et des petits jardins communautaires clandestins. J'ai aussi appris à connaître la flore urbaine, qui était très semblable à la flore sauvage de mon enfance que je trouvais sur les bords de chemin dans la campagne en Montérégie. Je me servais du Guide de la flore urbaine, Plantes sauvages des villes et des champs et Les arbres du Canada.
J'ai dessiné sur chaque carte les différents éléments que je trouvais intéressants. Il s'agissait d'une sélection tout à fait subjective, mais j'ai fait un choix qui démontrait que ces milieux étaient diversifiés et vivants, tant au point de vue humain que végétal ou animal.
Après avoir dessiné dix cartes, j'ai complété les pages supplémentaires nécessaires pour en faire une publication qui suivrait le modèle d'un guide de randonnée pédestre : une légende, et des cartes à plus petite échelle situant les dix terrains dans leur quartier et dans la ville.
En travaillant sur ce projet pendant plusieurs années (de 2008 à 2013), j'ai vu les terrains changer, rapetisser, ou disparaître. En règle générale, les terrains vagues et la verdure urbaine spontanée sont des phénomènes temporaires. Quel que sera l'avenir de ce projet, il m'a rappelé l'importance d'explorer, de s'investir dans sa ville et d'encourager la verdure en milieu urbain sous toutes ses formes.
Cartographie éphémère: dix terrains vagues de Montréal est maintenant épuisé.
Pour la suite: www.dominiqueferraton.ca
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